De la bouteille au béton

L’idée n’est pas nouvelle, mais son usage vient de franchir une nouvelle étape : utilisé depuis une dizaine d’années dans la fabrication des dalles de trottoir, le béton contenant de la poudre de verre broyé sera bientôt employé pour la première fois dans la construction d’un pont. Et c’est à Montréal qu’il sera érigé.

Avec son béton moulé en lignes courbes, le nouveau pont que construira bientôt l’équipe de l’ingénieur Étienne Cantin Bellemarre sera non seulement beau, mais aussi vert. Ou plutôt, il sera « verre ».

Le chargé de projet à la Ville de Montréal n’est pas peu fier du chantier qui l’occupe en ce moment. D’ici la fin de l’automne, le premier tronçon des ponts Darwin, qui permettent au boulevard de L’Île-des-Sœurs d’enjamber une piste cyclable, sera terminé. Les utilisateurs n’y remarqueront pas énormément de différences, mais les spécialistes du béton ne manqueront pas d’aller le voir de plus près. Car ce pont est le premier au monde à tester une recette de béton auquel a été ajoutée de la poudre de verre broyé.

« Le verre mixte est celui qu’on récupère au centre de tri, et qui est brisé en morceaux trop petits pour qu’on puisse le séparer par couleurs », explique William Wilson, professeur en génie civil à l’Université de Sherbrooke et collaborateur à la Chaire SAQ de valorisation du verre. Pour pouvoir produire du nouveau verre en fonderie à partir du verre récupéré, celui-ci doit être exempt de contaminants et trié par couleurs. En raison de l’incapacité des centres de tri à fournir de la matière de bonne qualité aux fonderies, la majorité du verre récupéré est actuellement envoyé à l’enfouissement.

C’est justement pour trouver un débouché à tout ce verre mixte que les chercheurs de Sherbrooke ont élaboré des recettes pour l’intégrer à la fabrication du béton. Celui-ci est essentiellement composé de quatre ingrédients : de l’eau, du sable, du gravier et du ciment. La poudre de verre dans la recette concoctée à l’Université de Sherbrooke vise à remplacer une partie du ciment. « En utilisant le verre au lieu du ciment, dit M. Wilson, on diminue la production de gaz à effet de serre associée à la production du ciment. »

Depuis 2011, des dizaines de kilomètres de trottoirs en béton contenant de la poudre de verre ont été déroulés à Montréal. « Les dosages varient entre 5 % et 25 % », dit Étienne Cantin Bellemarre. Après près de 10 ans d’observation, les résultats sont épatants : le béton avec poudre de verre est plus résistant parce que moins perméable aux ions chlorures (les fameux sels de déglaçage utilisés en hiver qui causent la corrosion des armatures de métal).

Et tout ça, pour le même coût que le béton traditionnel.

« Des fois, la vie fait bien les choses. Il y a seulement des avantages à utiliser la poudre de verre. On valorise un matériau pour rendre le béton plus durable, plus résistant. »

— L’ingénieur Étienne Cantin Bellemarre

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En avril dernier, le remplacement de ciment par de la poudre de verre broyé dans la production de béton a finalement été reconnu par les normes américaines, qui servent souvent de norme internationale.

Le temps est donc venu de tester le nouveau béton dans un ouvrage plus complexe. Quand les ingénieurs montréalais ont commencé à planifier le remplacement des ponts Darwin, construits dans les années 1960, ils ont évalué qu’il s’agissait du projet idéal pour tester ce dont le nouveau béton était capable dans des structures armées.

Dans ce cas-ci, 10 % du ciment a été remplacé par de la poudre de verre, une économie estimée à 40 000 kg de ciment. Au final, le béton des deux ponts contiendra une quantité de verre équivalant à 70 000 bouteilles de vin. Soit… environ 0,04 % du nombre de bouteilles vendues chaque année par la SAQ. C’est peu ? « Pas du tout », rétorque William Wilson. Les ponts Darwin, « c’est une structure relativement petite. Et des structures, on en fait des dizaines, des centaines comme ça au Québec chaque année. Sans parler des trottoirs ! »

Peut-on s’attendre à ce que la poudre de verre soit désormais intégrée dans tout le béton ? « Ça demeure un projet pilote, rappelle Étienne Cantin Bellemarre. Si on se rend compte que ça ne répond pas à nos exigences, on va cesser de l’utiliser. Mais tout porte à croire que ça réagit très bien. On a l’expérience des trottoirs, qui sont les éléments qui reçoivent le plus de sels dans nos infrastructures, alors on est très confiants qu’il n’y aura pas de problèmes. »

Le problème du sable

La poudre de verre dans la recette concoctée à l’Université de Sherbrooke vise à remplacer une partie du ciment, dont la production est très polluante – la Cimenterie McInnis, en Gaspésie, est présentée comme le plus grand émetteur de gaz à effet de serre au Québec. Mais ce nouveau béton n’offre pas encore une solution de rechange à l’utilisation du sable dans la fabrication du béton, qui pose elle aussi un problème environnemental. Après l’air et l’eau, le sable est au troisième rang des ressources naturelles les plus exploitées dans le monde, et la plupart de ce sable est utilisé dans la fabrication de béton. Dans certains pays, l’extraction de sable a engendré le saccage de lits de rivières et de plages. Le sable n’étant pas une ressource renouvelable, plusieurs experts prédisent qu’une pénurie de sable pourrait survenir.

— Judith Lachapelle, La Presse

Sur le radar

Alaska

Le Canada s’oppose à des forages menaçant des caribous

Le Canada a donné son soutien, jeudi, à des groupes qui se battent pour préserver des caribous menacés, selon eux, par l’autorisation récente aux États-Unis de forages pétroliers et gaziers dans une réserve naturelle de l’Alaska, frontalière du territoire canadien du Yukon. Le gouvernement de Donald Trump a approuvé en août un programme ouvrant la voie à ces forages dans le refuge national faunique de l’Arctique, plus grande zone naturelle protégée des États-Unis. La vente de concessions pétrolières dans cette réserve naturelle, convoitée par l’industrie depuis 30 ans, pourrait commencer « dès la fin de l’année », a précisé le ministre de l’Intérieur américain, David Bernhardt, au Wall Street Journal. Des associations de défense de l’environnement et d’Autochtones ont répliqué en engageant, la semaine dernière, deux actions en justice aux États-Unis pour tenter de bloquer l’exploitation industrielle dans le refuge de l’Arctique, sanctuaire d’ours polaires, de caribous et d’oiseaux migrateurs.

— Agence France-Presse

Sables bitumineux

Les fuites de résidus confirmées

Un organisme international de surveillance environnementale affirme qu’il existe des preuves convaincantes montrant que les bassins de résidus des sables bitumineux en Alberta ne sont pas étanches. Selon un rapport de la Commission de coopération environnementale, un organisme créé en vertu de l’Accord de libre-échange nord-américain, « il existe de solides preuves scientifiquement valides [montrant] une infiltration dans les eaux souterraines proches des champs autour des bassins de résidus ». Le ministre fédéral de l’Environnement, Jonathan Wilkinson, a jugé cette conclusion « troublante ». « Les conclusions du rapport ne peuvent être ignorées, a-t-il dit. Je prends assurément ces résultats à cœur. » La Commission a également constaté que les gouvernements de l’Alberta et du Canada ne collaboraient pas pour assurer le respect des normes environnementales par l’industrie, malgré de nombreux accords en ce sens. La Commission « n’a pu trouver aucune information étayant une relation entre l’Alberta et le Canada en ce qui concerne les rejets des bassins de résidus », indique le rapport, publié jeudi.

— La Presse Canadienne

Sibérie

Les incendies ont causé des émissions records de CO2

Les incendies qui ont fait rage en Sibérie, cet été, ont provoqué des émissions records de CO2, gaz à effet de serre contribuant au réchauffement, a indiqué jeudi le service européen Copernicus sur les changements climatiques. Se basant sur les observations satellitaires, les scientifiques de Copernicus ont évalué les émissions des incendies à l’intérieur du cercle arctique à 244 mégatonnes (une mégatonne égale un million de tonnes) de CO2 entre le 1er janvier et le 31 août, contre 181 mégatonnes pour toute l’année 2019. En prenant en compte les zones sibériennes hors cercle arctique, les incendies ont également battu des records d’émissions, avec 540 mégatonnes d’émissions de CO2 de juin à août. Pour la deuxième année consécutive, la Sibérie a été ravagée par de gigantesques incendies, favorisés par des températures records dépassant en moyenne de plus de 5 °C les normales de saison. Associée à des sols moins humides que la normale, phénomène également favorisé par le réchauffement, cette canicule a engendré des conditions idéales à la prolifération des incendies qui ont ravagé les immenses forêts de Sibérie.

— Agence France-Presse

Les nanoplastiques nuisent à la reproduction des huîtres creuses

Les nanoplastiques, ces morceaux de plastique inférieurs au millième de millimètre présents dans l’environnement marin, ont un impact sur la reproduction des huîtres creuses, selon l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER). Expérimentalement, une équipe de chercheurs de l’IFREMER et de l’unité mixte de recherche LEMAR regroupant plusieurs instituts de recherche a exposé des cellules reproductrices mâles d’huîtres creuses à quatre doses de nanobilles de polystyrène de 50 nanomètres pendant une heure, explique l’IFREMER dans un communiqué. À partir d’une certaine dose, les nanoplastiques les plus toxiques ont induit une diminution de 79 % du pourcentage de spermatozoïdes mobiles, selon cette étude publiée fin août dans le journal Nanotoxicology. Les spermatozoïdes mobiles restants ont, eux, subi une diminution de leur vitesse de nage de 62 %, menant à une baisse de leur succès reproducteur de 59 %. Les nanoplastiques « réduisent la viabilité des spermatozoïdes », d’où une « diminution du nombre d’embryons », a expliqué à l’AFP Kévin Tallec, à la tête de l’équipe de chercheurs.

— Agence France-Presse

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